TOUTE PUISSANCE ET IMPUISSANCE DE
L’OLIGARCHIE
L’auteur du Prix de la démesure et
de Résistez (à paraître chez L & S le 25 octobre
2018) livre un constat glaçant sur nos institutions et sur le rôle décroissant du
citoyen dans la société. Pour autant, les mesures prises par ceux qui dirigent
restent inefficaces et insuffisantes ; quand elles ne sont pas néfastes.
Entre hypocrisie et mensonge, à quoi donc jouent nos politiques ?
Aujourd’hui
comme jamais nous vivons dans un monde instable et difficile à comprendre en
raison d’un déficit insondable de réflexion : ce monde défile sous nos
yeux toujours plus vite paralysant notre capacité à en saisir le devenir et
surtout le sens. Ce déficit particulièrement manifeste dans le champ du
politique où par delà les discours obligés et rassurants sur la « démocratie »
dans nos pays occidentaux, rares sont les analystes soulignant le rôle
croissant joué par l’oligarchie dans le fonctionnement de nos sociétés. Depuis
la démonétisation de l’idéologie marxiste soulignant le rôle moteur de la
classe dirigeante dans le système capitaliste, il semble que la question du
monopole de cette classe devenue transnationale ait été laissée de côté.
Or,
jamais les « élites »[1]
n’ont concentré autant de pouvoirs sous des formes diverses dans les domaines
les plus divers : les simples citoyens, qui vivent une impuissance
grandissante dans leur vie quotidienne tant sur le plan professionnel que
civique, peuvent en témoigner. Il faut dire que l’innovation technologique
galopante en cours, en particulier grâce au numérique, ne peut qu’accélérer
encore plus le processus en cours, d’autant plus que le simple citoyen se
heurte à un monde de plus en plus difficile à comprendre. D’où le mot d’ordre
de la propagande inlassablement répété : il faut s’adapter, autrement dit
pratiquer ce que La Boétie appelait la servitude volontaire ! L’absence de
prise en compte des oppositions à ce processus au niveau politique est
d’ailleurs manifeste dans la mesure où aujourd’hui elles ne peuvent plus
s’exprimer que hors du champ institutionnel par le jeu des organisations
associatives au sein de la société civile (voir ND des Landes !). De ce
point de vue là, on peut dire qu’aujourd’hui, la démocratie dite représentative
est complètement démonétisée. Tout cela va de pair avec une évolution
autocratique de tous les gouvernements dans le monde dont la France de Macron
en est un exemple éclairant. Les pratiques répressives par recours à la force
publique se sont multipliées comme l’illustre la manière dont notre
gouvernement entend faire taire toute forme d’opposition à ses décisions. Cette
évolution régressive de nos institutions peut se vérifier à la multiplication
des mesures attentatoires aux libertés publiques prises à la suite des
attentats islamiques en 2015, qui illustrent la régression spectaculaire de notre
État de Droit, comme partout ailleurs dans le monde.
Parallèlement,
on peut a contrario constater
l’impuissance croissante de cette oligarchie à écarter les grandes menaces
subies aujourd’hui par l’humanité, qu’il s’agisse des dérèglements climatiques,
de l’épuisement des ressources naturelles ou de la démographie galopante et les
progrès de la misère partout dans le monde et en particulier dans les pays les
plus riches. Les grands défis auxquels nous devons faire, parmi lesquels se
situent en tout premier lieu la catastrophe écologique en cours, ne sont pas
relevés par l’oligarchie, bien au contraire, puisque cette dernière travaille
tous les jours à les aggraver tout en prétendant les résoudre ! De ce
point de vue, il faut dire que pour la minorité des citoyens conscients des
progrès du désastre, nous constatons partout dans l’espace public le règne des
euphémismes et des oxymores. « Développement durable »,
« transition », « croissance verte », « économie
circulaire », etc., autant d’exercices rhétoriques pénibles qui ne sont
que des mensonges au regard de la tragédie en cours que devrait vivre
consciemment l’humanité qui, chaque jour, travaille à sceller son destin !
A-t-on stoppé l’urbanisation ou le programme autoroutier et vu diminuer le trafic
motorisé qui en découle ou celui des déchets ? A-t-on vu à nouveau
virevolter dans le ciel de nos villes les hirondelles et les martinets qui les
peuplaient dans mon enfance ? Pédaler au contraire dans le sens de la
pente qui nous mène à l’abîme, cela nous savons faire !
La
science toujours plus pointue nous informe chaque jour de l’évolution
dramatique de la situation que, rationnellement parlant, nous ne pouvons plus
ignorer. Pourtant, nous continuons à vaquer à nos affaires comme si de rien
n’était, en allant au supermarché pour acheter les déchets à venir et en
prenant l’avion pour aller nous bronzer sur des îles lointaines bientôt
englouties. Pour les plus aveugles d’entre nous, un sentiment secret nous
habite : après moi, le déluge !
La
science peut certes contribuer à nous rendre conscients, mais ce n’est pas
d’elle que viendra le sursaut souhaité qui ne pourra naître que d’une
mobilisation de toutes les ressources morales de l’esprit humain.
À
nous d’y travailler !
Simon
CHARBONNEAU, Universitaire militant de longue date pour la défense de la
condition naturelle de l’humanité.
[1]
L’usage de ce terme me paraît d’ailleurs fallacieux dans la mesure où il
présuppose un jugement de valeur en faveur de leurs représentants. D’ou le
choix de celui d’oligarchie qui me semble préférable car plus neutre et proche
de la réalité.
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